S’il était permis aux footballeurs malchanceux d’assigner le football en justice, cet homme que vous voyez dans le maillot jaune en image gagnerait le procès sans avocat. Ce monsieur fait partie des meilleurs joueurs de sa génération. Je l’ai connu dans les années 90 sur les bancs d’école. Notre amour pour le football a renforcé notre amitié. Durant notre enfance, nous avons joué ensemble dans des clubs de foot et avons eu à participer aux tournois interclasses. Tous les amoureux du football qui ont vécu dans le quartier Attiegou, Togo 2000, Hedrzanawoe etc..ont une idée de ce joueur.
C’était un footballeur mercenaire, Joker pro max qui ne pitoyait pas les gardiens de buts avec ses frappes puissantes. Aimé APEKÉ lors des tournois faisait assez de victimes. Il était tellement adroit que s’il ne marquait pas, alors, il faisait des poteaux en bois de l’équipe adverse de sérieuses victimes. Cet ami d’enfance balle aux pieds, c’est du pur régal. C’est un milieu de terrain doté d’une excellente vision de jeu et d’une technicité admirable; très fort en contrôle de balle. Ses touches de balle sont séduisantes. 50 % de ses buts émanent des frappes peu importe les positions et la distance. Son talent l’a rendu populaire, mais la malchance a fait de lui un “aventurier coagulé”. Il avait tous les atouts pour devenir un footballeur professionnel, mais la carrière d’Aimévi dit Robertson a été confrontée à un mystère. Il s’est cherché dans presque tous les continents du monde. Il s’est prêté aux essais même en Asie, mais la dame Chance n’y était pas.
Je connais aimé depuis 30 ans, mais sa carrière de footballeur est énigmatique. Nous sommes en 2023 et Aimévi n’est plus confronté au problème de chance, mais à celui de l’âge. Selon lui, l’âge n’est qu’un chiffre. Cette philosophie qui lui sert toujours de motivation pour y arriver n’est malheureusement pas partagée au niveau des décideurs. Aimé, c’est le symbole de la persévérance. Mais la persévérance avec un âge très avancé est à l’image d’une carrière dans le temps additionnel. Il avait la foi, mais la malchance et l’âge lui ont fait porter la croix. Quel amoureux du football à Lomé dans les années 90, 2000 ne connaît pas Aimévi APEKÉ? Le signe indien l’a transformé en “Magelan” au destin tragique. Même certains de ses coéquipiers et amis footballeurs qui l’admiraient pour son énorme talent ont réussi des tests en Europe et gagnent bien leurs vies. Aimévi dont le nom est associé à tous les superlatifs quand on parle de talent est orphelin d’un déclic. Déjà à 12-15 ans, il jouait parmi les grands du quartier qu’il ridiculisait. Il est issu d’une famille de footballeurs dont le point fort c’est de lourdes frappes. Son petit frère APEKÉ Ablamvi dit Edem était un diable dans ce domaine. Quand ce dernier jouait, il était souvent interdit aux femmes, femmes enceintes et aux enfants de rester derrière les poteaux de son équipe adverse. Il faut être des footballeurs très courageux pour composer le barrage d’un coup franc que s’apprêtait à jouer Aimévi ou son petit frère Edem. Attention danger! S’il n’y a pas but, alors un joueur doit être à terre entrain de sentir de la douleur dans le vendre ou dans la tête.
Robertson s’est révélé lors d’un tournoi à Attiegou dont l’accréditation des joueurs pour la participation est soumise à la prise de taille (1 m 50). Aimé réussissait toujours cette épreuve compte tenu de sa taille, mais les entraîneurs et les capitaines des équipes adverses s’opposaient à sa participation et évoquaient comme raison l’âge largement avancé du joueur.
C’était un tournoi qui avait lieu lors des grandes vacances qui rassemblait un monde fou sur le terrain de EPP Attiegou. À chaque vacance scolaire, Aimé lui seul était souvent courtisé par 4 à 5 clubs. Nous étions dans les années 90, c’était rare de disposer d’un téléphone portable. Si à la veille du tournoi vous n’avez pas réussi à convaincre Aimé APEKÉ à jouer pour votre club, c’est qu’il a déjà fait un autre choix. Il était tellement bon, admirable que les présidents de clubs qui le courtisaient se soumettaient à ses desideratas. Le monsieur en image c’était un Maestro, un mercenaire aux pieds d’or. C’est au cours de ce même tournoi que le public d’Attiegou a connu les César, Ayouba, Desouza Gnininvi de Bê, Gado, Cocovi, Papa, Atakora Lalawelé dit Ayéh, Abraw Camaldine, Korodowou Malick etc…Mes pensées à un ami d’enfance “Ayih” le jeune Abramovich de l’époque, fondateur du meilleur club à l’époque. Dans une prochaine chronique, je reviendrai sur le footballeur Desouza Gnininvi.
Un lecteur amoureux du football qui a passé son enfance dans le quartier Attiegou dans les années 90 pourra se souvenir de ces noms dont j’oublie une grande partie. La triste carrière de mon ami APEKÉ Aimévi devait être retracée dans un roman pour attirer l’attention des jeunes footballeurs sur le mystère qui entoure le football. Il faut le talent et surtout de la chance pour ne pas dire les bonnes relations. Aimévi a connu dans sa carrière au moins 20 clubs. Quand j’ai quitté le quartier Attiegou pour Bè-Kpota en 2000, j’ai retrouvé Aimé dans un club du quartier appelé “Eperviers” coaché par Fovi et Fogan ( coachs jumeaux très populaire). Après Robertson, l’homme aux pieds d’or a fait un crochet au FC D’OR un club où la concurrence était dure parce qu’il regorgeait les meilleurs footballeurs de Hedrzanawoe. D’attiegou à bè-kpota, passant par Hedrzanawoe, l’espoir qu’avait aimévi se reposait à Bê dans le club ESPOIR DE BÊ. Là, il a retrouvé de talentueux coéquipiers comme Beaugard Ayimolou, Aruka, Didier “Drogba” etc …Condamné à réussir, mais toujours confronté à des difficultés, mon ancien camarade s’était lancé dans l’aventure ghanéenne où il déposa ses godasses dans DATUS SOCCER, un centre de formation avec lequel le “bombardier” avait fait la pluie et le beau temps à Accra.
Au Ghana, il a sillonné Solocom FC (D2), Jancolé FC, Amigo Stars FC, Kesben FC (D2), les U20 d’Ashanti kotoko, Kesben FC (D1) puis New Edubiase FC. Les Ghanéens adoraient son jeu. Cette aventure au Ghana lui a servi de tremplin pour explorer le monde. La toute première expérience de l’homme en image en Europe, c’était en Norvège en 2003. Il a découvert après Aberdeen FC de Scoltland ( 2004, 2005, 2006). Aimévi a fait un tour aussi en INDE dans le club Fishermen FC avant de passer un test à Al Ashaab ( Dubaï). Après ces aventures sans succès, Aimévi est revenu au Togo en 2014 et a prêté main forte malgré le poids de l’âge aux clubs comme ASKY FC, AS GENITO, US AGBANDI, AS ASFOSA puis DOUMBÉ DE MANGO (D2). En 2021, l’infatigable ami d’enfance s’est encore retrouvé chez l’USFA Union Sportive des Forces Armées du Burkina. Cette expérience aussi a été de très courte durée. Actuellement, si vous voyez aimé APEKÉ jouer au football, c’est pour lutter contre le paludisme (santé). D’aucuns diront qu’il a eu la chance de voyager, mais ses expériences n’étaient pas à la hauteur de son immense talent, car avec Robertson, la taille n’a jamais été un handicap. Il fallait le voir balle aux pieds pour pouvoir témoigner de tout son talent. Mais, sa carrière a connu un temps lent qui a fait de lui l’un des joueurs togolais les plus malheureux de l’histoire. À défaut de consacrer sa vie au football professionnel, il a réussi à consacrer toute sa vie à Jésus et est aujourd’hui devenu étudiant dans une école biblique au Togo. Mais malgré la nouvelle posture, Aimévi ne s’est jamais séparé du football. La preuve le voici encore en image lors d’un tournoi organisé très récemment par une grande société sur le terrain d’Haady Park au Togo.
Anani Fifa
